Appel à communications

 

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Mots‐clés : Participation, démocratie, action publique, expertises,
pouvoirs, inégalités, politique de la ville, habitat, genre


Le développement, depuis les années 90 en France, des conseils de quartiers, réunions de concertation ou autres assemblées consultatives, témoigne de la volonté des élus et des acteurs de la ville d'impliquer les citadins dans les projets urbains. Plus récemment, la mise en place des conseils citoyens dans l’ensemble des quartiers prioritaires de la Politique de la ville acte d’une réalité affichée de participation des habitants à l’expertise et à la gestion de leurs espaces de vie. Les exigences du développement durable et de la cohésion sociale renforcent cette tendance politique dans tout le monde occidental. Les expériences de participation sont de plus en plus nombreuses et diversifiées, portées dans des contextes sociaux très variables et soutenues par des élus de gauche comme de droite. Mais malgré ces efforts importants pour engager des collaborations étroites entre habitants et décideurs, un discours récurrent se fait entendre sur les difficultés à définir ou mettre en oeuvre une participation citoyenne effective. La participation s’institutionnalise, devient omniprésente dans les discours, mais peine à circonscrire ses contours (Baqué et Sintomer, 2011) et reste bien souvent un impensé politique ou un idéal difficile à atteindre (Blondiaux, 2007 ; 2008). Si les recherches sur les projets ou dispositifs dits « participatifs » se multiplient, il en ressort à la fois un grand vent enthousiaste d’expériences et une grande désillusion sur l’efficacité de ces processus. Ainsi, les lectures de la participation et de ses enjeux sont contrastées (Neveu, 2011). Parfois perçue comme le terreau de nouvelles pratiques favorisant les formes d’émancipation sociale et politique (Nez, 2011 ; Carrel, 2013), la participation peut aussi être analysée comme un instrument de légitimation du pouvoir (Blatrix, 2009), voire un facteur de reproduction des inégalités sociales et politiques. La dimension critique des recherches sur la participation ne remet évidemment pas en cause l’intérêt de cet objet et contribue au contraire à mieux comprendre les évolutions sociales et politiques contemporaines (Gourgues, 2013). Le présent colloque, bilan des travaux du programme ECLIPS*, revient sur des contextes complexes et des expériences s’inscrivant maintenant sur un temps relativement long, pour faire un point sur cette réalité paradoxale dont le programme ECLIPS a montré qu’elle avait des causes institutionnelles, politiques et sociales.

Axe 1 ‐ Dimension institutionnelle
Sur le plan institutionnel, la participation citoyenne fait l’objet d’un phénomène de « juridicisation » progressive amorcée depuis la fin des années 60. Longtemps cantonnée dans le domaine de l’aménagement, elle s’est considérablement développée dans le cadre local sous l’effet de nombreuses lois de décentralisation. Ces dernières ont multiplié les mécanismes et les institutions permettant aux habitants d’être associés à la gestion et aux décisions de leur collectivité de résidence ou d’appartenance, soit par l’officialisation et l’encadrement de pratiques extra‐légales antérieures, soit par l’institution de procédés jusque‐là inédits. Cependant, le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales par des conseils élus se traduit par des procédures de cogestion ou, à l’image du référendum local, de démocratie semi‐directe. Il explique également que, dans de nombreuses situations, le déclenchement du « jeu participatif » reste verrouillé en ce qu’il repose exclusivement sur la libre initiative des autorités locales. Ainsi, loin de constituer un substitut ou une alternative à la traditionnelle démocratie de représentation avec laquelle elle doit se combiner et se concilier, la démocratie participative n’en est qu’un simple instrument.


Axe 2 ‐ Dimension politique
Les logiques de réformes qui énoncent les malaises des démocraties représentatives occidentales et cherchent les modalités de leur amélioration ou de leur remplacement
conduisent systématiquement à penser des modèles de participation citoyenne, qui sont majoritairement envisagés à partir du cadre représentatif pour mieux le soutenir. Le
développement de procédures et de mécanismes obligatoires de plus en plus nombreux témoigne d’une tendance à l’injonction participative de la part du législateur, parfois à l’encontre des élus locaux. On peut donc se demander si cette évolution ne constitue pas, de ce fait, davantage un frein qu’un véritable levier pour une démocratie participative et un reconnaissance de l’expertise citoyenne. La question du lien entre participation et démocratie pose aussi celle des registres ou des modalités d’action. Les dispositifs institutionnels ont souvent pour objectif d’aboutir à une forme de consensus social et peuvent être perçus comme des instruments politiques pour pacifier (voire verrouiller) les discussions, éviter les conflits et, in fine, légitimer les décisions. Dans ce cas, on peut s’interroger sur la capacité de la participation à prendre en compte la dimension contestataire ou la faculté de résistance des citoyens et à « repolitiser » les enjeux du débat démocratique.


Axe 3 ‐ Dimension sociale
L’écart entre les idéaux égalitaristes de la participation et la difficulté des dispositifs à impliquer des groupes sociaux déjà exclus de la représentation politique et éloignés des instances décisionnelles, pose la question des effets de la démocratie participative sur l’action publique dans un ordre social extrêmement inégalitaire. Dans sa grande prudence, l’État a ouvert la porte à la participation citoyenne, tout en limitant en partie son champ d’action aux cadres de la Politique de la Ville. Cela reporte le débat politicien et a le mérite de constituer une forme de réponse sociale aux questions inquiétantes des déséquilibres territoriaux. C’est donc par l’angle du social que la participation s’exprime. La répétition fréquente des principes d’égalité de notre république permet d’apaiser les conflits mais elle se heurte à la désaffection des populations en situation difficile. Cette situation inégalitaire se traduit par une sousreprésentation chronique des populations les plus fragilisées dans les lieux de la démocratie participative. Pourtant, il existe des pratiques invisibles ou invisibilisées de groupes sociaux minorisés (femmes, jeunes, immigrés…), qui peuvent s’apparenter à des formes d’expertise citoyenne, fondées sur la condition spécifique de ces populations et leur expérience du quotidien, si tant est qu’on leur reconnaisse une légitimité.

Tous ces obstacles sont pensés à travers des pratiques, des discours, des jeux d’acteurs et surtout des expériences, voire des expérimentations de la participation, qui les induisent parfois mais qui peuvent aussi les renverser. En effet, certains projets, menés dans des contextes d’attention à la citoyenneté, par des acteurs impliqués dans ces processus démocratiques, parviennent à faire aboutir des réalisations exemplaires. Le présent colloque souhaite mettre en exergue des expériences de terrain dans toutes leurs dimensions de réussite ou de difficultés face à des analyses des vecteurs de ces succès ou de ces échecs. Les communications qui prendront en compte l’analyse des dimensions institutionnelles, politiques et sociales de la participation citoyenne seront bienvenues. Une attention particulière sera portée à toutes les présentations concernant la participation des habitants à leur logement ou à la gestion de leur quartier. De même, les propositions prenant en compte la dimension du genre seront appréciées. Les propositions de communication concerneront aussi bien des analyses théoriques que des réflexions à partir de cas particuliers français, européens ou internationaux. Elles pourront envisager l’un ou plusieurs des aspects évoqués ci‐dessus ou adopter une perspective originale, en lien avec la thématique du colloque. Toutes les disciplines concernées seront les bienvenues : architecture, droit, économie, histoire, sciences politiques, sociologie, urbanisme, etc.

Les propositions de communication sous forme de résumé (de 3000 signes maximum) ou de poster sont à adresser par mail avant le 15 avril 2016 à : eclips@univ‐tours.fr
La sélection des communications est fixée au 29 avril 2016. Les textes complets et les posters finalisés devront être adressés pour le 10 juin 2016, délai de rigueur.


*ECLIPS (Expertise Citoyenne pour l’habitat. Limites, Intérêts et Perspectives Sociales) est un programme de recherche en droit et sociologie, financé par la Région Centre Val‐de‐Loire et porté par l’UMR 7324 CITERES et l’EA 2108 LERAP de l’Université François‐Rabelais à Tours.

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